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Wednesday, March 12, 2014

YAADIKKOON: Bandit ou Héros National? Bara Diokhané







Le cinéaste Djibril Mambeti Diop tenant un portrait de Yadikoon


"Il est vêtu d’une chemisette et d’un short usagé et crasseux, de nombreux gris-gris entourent son torse et ses bras. Celui auquel il tient le plus est un petit miroir de sac à main dont la glace porte des caractères arabes tracés à l’encre blanche et qui [...] lui permet de briser les entraves les plus solides et de fausser compagnie aux plus habiles limiers. Pour une fois, le miroir magique a été sans effet". 

Tel était le compte rendu du journal "Paris-Dakar" du 17 avril 1956, un quotidien proche des vues du pouvoir colonial, lors d'une des multiples arrestations suivies d'évasion de Yaadikkon. Pour tout Dakarois des années 1950 à 1960, cet homme était un mythe. Héros généreux pour les pauvres, brigand dangereux pour l'administration coloniale. Pour les adolescents de Dakar, Grand Yadi était le pourvoyeur d’accès gratuit au cinéma, le modèle de courage et de défiance urbaine envers l'autorité coloniale.On le disait aussi doté de fortes protections mystiques, car il réussissait toujours à tromper la vigilance des policiers et gardes pénitentiers au service de l'Administration coloniale, quelque furent les rigueurs de son régime carcéral.

 Mais, au delà de la thèse du voleur racontée par le chasseur, a-t-on réellement interrogé les motivations profondes de ce lion qui n'avait qu'une cible:l'économie coloniale symbolisée par les entrepôts du port de Dakar?

L'"expropriation" et la redistribution gratuite au peuple de biens "saisis" a toujours été une tactique révolutionnaire. C'est bien ce qu'une organisation révolutionnaire comme Los Tupamaros- des rangs desquels, ironie du sort, est issu l'ancien Président de la République d'Uruguay, Son Excellence Jose Alberto "Pepe" Mujica- théorisait et pratiquait, bien après Yadikkon! A la seule différence n'a jamais utilisé la violence meurtriére.

Alors, Yaadikkon, brigand dangereux, bandit bien-aimé ou précurseur incompris d'une forme nouvelle de guérilla urbaine contre l'occupant colonial?  

La réplique de Grand Yadi au Président du tribunal colonial, telle que rapportée ci-après par Me Gilbert Danon, un avocat qui défendait les intérêts des victimes de Yaadikkon, apporte un précieux éclairage sur sa démarche politique, et la nature révolutionnaire de son combat  politique.

Un véritable héros du peuple. 

Un potent personnage hollywoodien. 

Feu Adramé Seck avait d'ailleurs écrit un scénario sur Yadikkon qui n'a malheureusement toujours pas été porté à l'écran.Le cinéaste Djibril Mambéti Diop, quant à lui, avait créé, sur l'Ile de Ngor, une structure à objet philanthropique qu'il avait dénommée Fondation Yadikkon pour l'Enfance et la Nature. Nguekokh, son village natal , l'a honoré en baptisant l' Ecole primaire Yadikkon. 

Vivement une superproduction cinématographique sur Yadikkon! Et/ Ou le baptême d' une rue Yadikkon à Dakar.

Une figure historique de cette dimension mérite notre respect et reconnaissance





YAADIKKON, LE BANDIT BIEN-AIME

Dans les années 1950, le seul nom de Yadikkon faisait frissonner les uns, et rendait les autres rêveurs.


Yaadikkon, c'était l'Arséne Lupin sénégalais, métissé de Robin des Bois!


 Les vols les plus audacieux étaient signés Yaadikoon, mais ils étaient toujours commis sans effusion de sang, sans coup de feu, sans blessures.


Yaadikkon pillait les entrepôts des grandes sociétés coloniales et distribuait son butin dans les quartiers les plus démunis où, en quelques minutes, toute trace de vol disparaissait.


Arrêté à plusieurs reprises, il s'évadait de façon spectaculaire, ce qui frappait les esprits, et amenait à chaque audience où il était jugé un peu plus de monde et beaucoup de gendarmes.


Son attitude sur l'audience était unique: servi par sa taille, 1,90 m environ, sa stature athlétique, il se plaçait à la barre, face au Président, les bras croisés, les jambes légèrement écartées. 


Comme pour indiquer d'emblée:" je n'ai pas peur, je suis bien sur mes jambes et je t'attends"


Quand on lui demandait s'il reconnaissait les vols dont il était prévenu, il répondait:


- " La France autorise ses sociétés coloniales à voler mes compatriotes. Je ne fais que restituer aux victimes les biens dont elles ont été dessaisies".


- "Vous n'avez pas à vous instituer en justicier ; aux yeux de la loi, vous commettez des vols."


- "Mr le Président, ce qui compte pour moi, ce n'est pas ce qui est juste selon votre loi, mais c'est ce que pensent mes concitoyens. Ai-je volé un Noir ou un Toubab?  Je ne pille que les entrepôts des grands commerçants coloniaux qui sont à mes yeux des pillards, et vous savez que je ne conserve jamais ce butin."


Condamné à plusieurs reprises, il fit quelques séjours en prison, où il jouissait d'un régime particulier.


D'une part il était sévèrement gardé, mais par ailleurs, il était chouchouté par ses codétenus, qui veillaient à ce qu'il ne manque de rien, et qui l’aidèrent à s'évader.


Dés l'indépendance du Sénégal, Yaadikkon cessa ses activités à Dakar, et retourna à son village de Nguekokh où il s'adonna à la formation des jeunes villageois à l'agriculture et à la lecture du Coran, jusqu'à sa mort.


Me Gilbert Danon
Ancien Avocat au Barreau de Dakar

 

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