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Monday, February 26, 2024

LE BILLET DE DJIBRIL

LE BILLET DE DJIBRIL Quelques mois à peine après mon installation en 1997 dans mon nouveaux bureau à New York, j’avais reçu un message: “J’ai le bonheur d’espérer te voir, à l’aller comme au retour” C’est, en ce qui nous concerne, un assainissement du temps qui suit”. Ce message cryptique émanait de Djibril Mambeti Diop, dont le film Hyénes devait être projeté à l’Université de l’Etat de Michigan. “Je demanderai à l’agence de voyage de te remettre mon billet d’avion New York-Detroit-New York, que je viendrai récupérer chez toi une fois à New York.” Je vivais encore à Dakar durant la production de “ Hyénes”, un événement que Djibril, dans son genie et sa générosité, avait élevé au niveau d’une oeuvre, non seulement de collaboration, comme tout film l’est en principe, mais aussi d’une dynamique communautaire, qui impliquait tous ses proches. Me concernant, il me remit un jour, en plein tournage, trois pages du scenario du film, où il était question du jugement final de Drahmane Dramé, victime expiatoire de la vengeance de Lingeer Ramatou, la richissime. Il m’invita á lire soigneusement le texte, et de lui donner mons avis d’avocat que je ne tardais pas à lui livrer: “Je crois que Dramane Dramé a quand même le droit d’être défendu car la Défense est un droit absolu”. Satisfait de mon observation, il me fit une tape amicale, ou plutôt, une caresse sur la joue gauche: ‘Merci mon cher Maître!. Hyénes c’est , aussi, ton film.” Dans le casting du film figurait Billy Kongoma, connu à Dakar-Plateau et à Gorée comme le roi de l’Assiko, chef d’orchestre des supporters de l’équipe de football du Sandial. Billy était également le chef du Squatt de la rue Vincens, un endroit mal famé qui accueillait toutes sortes d’individus sans domicile ni statut Une complicité particuliére existait entre Billy et Djibril, au point que, durant la production du film, Djibril dormait parfois au fameux Squatt, tout près de la Cour de son ami Joe Ouakam, question de s’acclimater, parmi les gueux qui apparaissent dans son film. Un jour Billy me dit:’Tu sais, ton ami Djibril Diop Mambety, c’est moi qui l’ai formé.” Ah bon? Rétorquai-je avec des yeux incrédules. “Tu lui demanderas dés que tu en auras l’occasion”. Bien entendu je ne manquais pas de rapporter á Djibril les paroles insensées, qui pour moi n’étaient qu’une blague.A ma grande surprise, Djibril donna raison á Billy! “C’est vrai ce que Billy t’a dit, car c’est lui qui m’a fait monter sur une planche pour la première fois de ma vie. C’était á l’occasion d’une representation de ballets africains à Pikine…Mais je suis sûr qu’il ne t’a pas raconté toute l’histoire…Le salaud ne m’avait pas rémunéré, et j’ai du faire le trajet retour Pikine-Colobane à pied! Dans le film, c’est Billy qui joue le rôle de Chef des Gueux. Mais , sa proximité insoupçonnée avec le réalisateur lui octroyait une fonction importante , car il possédait cette “ascendance” doublée de pure affection qui lui permettait de “canaliser” les humeurs et moments de tension sur le plateau. Mais Billy avait des rapports très heurtés avec la femme suisse, appelons la Lorraine P, qui était productrice executive du film, et qui donc contrôlait les finances- trop étroitement au goût de Billy, dont les invectives envers la pauvre dame, dans une langue qui lui était étrangère, mais dont elle soupçonnait l’hostilité á son égard, commençaient à la “stresser.” Pour lui remonter le moral, je l’invitais dans des endroits huppés de Dakar, loin des gueux de Billy. Et la production difficile de “Hyenes” fut heureusement menée á bon terme. L’apparence frêle du longiligne Djibril m’avait frappé d’emblée à son arrivée á New York. Conscient de mon choc, il m’informait qu’il était atteint d’un cancer de la gorge. Nous nous rendons le soir au restaurant La Pravda, un endroit huppé de Soho. L’endroit est plein, mais il y a une table avec l’inscription “Reserved”, vers laquelle Djibril se dirige dans sa démarche majestueuse. Dés que nous prenons place, des employés arrivent nous indiquent le signe, nous demandant poliment mais fermement de libérer la table réservée..Suivant la scène de loin, le manager de l’endroit s’approche, et intervient en demandant aux employés de nous laisser tranquillement occuper la table.. Le lendemain de cette soirée mémorable, Djibril devait prendre un vol pour aller à l’Université de Michigan. Je vais le chercher a l’appartement de Soho qu’un ami cinéaste avait gracieusement mis à sa disposition. Nous prenons un petit déjeuner, et allons á mon bureau afin que je lui remette son billet d’avion New York- Detroit-New York. Coup de théâtre! Le billet a disparu! Introuvable! Je mets tout sens dessus sens dessous sans succès. Je me résous á remettre $150 à Djibril, montant de l’amende qu’il devra acquitter à l’aéroport. Nous nous revoyons à son retour à New York, et la première chose qu’il fait est de me remettre $150…”Ils ne m’ont pas fait payer l’amende à l’aéroport.” “Alors retournons á la Pravda pour un bon diner!”lui dis-je. Nous parlons de sa complicité avec les peintres Ibou Diouf et Mor Faye. Djibril avait beaucoup apprécié la retrospective que j’avais organisée sur l’oeuvre de Mor Faye, qu’il avait bien connu, contrairement à moi. Il me promet de m’envoyer dés son retour une belle photo ou il est avec Mor Faye, Ibou Diouf, et Alvin Ailey, prise à l’occasion d’une réception en l’honneur du chorégraphe américain, a l’ambassade des USA.. Mais précise t-il. Il faudra faire une copie de la photo, et me la retourner, car cette photo appartient à ma mère. Arrivé le moment du retour de Djibril sur Dakar, je pressentais qu’on ne se reverrait plus. Lui aussi d’ailleurs,, qui me remit des enveloppes qui contenaient plein de documents. “Garde ça avec toi.” Je n’ouvris ces enveloppes que bien plus tard, après que j’eus appris son décès. Elles contenaient les documents contractuels de toute sa filmographie, jusqu’au dernier film, “La Petite Vendeuse de Soleil” qu’il n’avait pas eu le temps de monter…Je découvrais un Djibril organisé, et conscient des enjeux économiques du cinema, car il avait mis sur pied sa propre société de production dénommée Maag Dann. A New York, je reçois l’information que le Festival du Film de Berlin de l’année 1999 qui annonce en grandes pompes la Premiere mondiale du film posthume, La Petite Vendeuse de Soleil. Quelque chose me derange dans l’annonce: aucune mention n’est faite dans le générique du film de Maag Dann. A la place un autre nom… Je plonge dans les documents contractuels que Djibril m’avait légués et me rends compte que sa société Maag Daan était bel et bien productrice du film. De New York, j’appelle directeur du festival de Berlin pour lui signaler l’anomalie qui lèse les droits de Djibril, mais il m’envoie sur les roses… Le lendemain, je reserve une place et me rends à Paris, où je rencontre Wasis et Teemour, frère et fils de Djibril, et leur notifie ma volonté de me rendre á Berlin, accompagné de Teemour, qui n’était même pas invité. J’ai averti mon collègue et ami Hans Georg Tillmann, un avocat Allemand, de mon arrivée á Berlin, et du motif de ma visite. A la sortie de l’aéroport de Berlin, il y a une file de belles voitures Mercedes avec chauffeurs qui sont à la disposition des festivaliers. Suivi de Teemour nous nous installons dans l’une d’elles, et demandons au chauffeur, qui s’exécute, de nous déposer à la Direction du festival, afin de signifier notre opposition a toute projection du film avec un générique biaisé. Au courant de notre présence dans ses lieux, en compagnie d’un avocat allemand, le Directeur du festival reconnait le légitimité de notre démarche, et propose un arrangement amiable, et décide de nous octroyer des badges d’invités, et de donner la parole à Teemour lors de la projection du film. Le communiqué que je rédige pour préserver les droits de Djibril et de Maag Dann est distribué à tous les spectateurs par une hôtesse du festival à l’entrée de la salle de projection. Teemour fils et héritier légitime de Djibril sera désormais aux commandes. Bien sur, je rends compte. á Joe Ouakam, qui m’adresse une lettre, de sa belle plume: ‘Mon ami Djibril avait poussé sa manie de tout vouloir rêver jusqu’au bout de son étant-soi. Comme tu le sais je souffre encore de son absence, parce que je le connaissais plus que tous les autres, pour l’avoir accompagné dans le refus, et à l’abri des regards, jusqu’au Palais de la République. Je me sens rassuré parce que je sais , en lisant ta correspondance, que tu prends sérieusement la mission qu’il t’avait confiée, à quelques heures de son départ.C’est bien. Tu as su, en bon cadet, décrypter le message. Alors, Johan, n’oublie pas que le Samba Lingeer qu’il fut a fait la part des choses depuis fort longtemps. Lucide, il a refusé l’endormissement des hommes par les moyens stupides de l’art politique. Ne s’est-il pas situé au-delà des intrigues somnambulesques d’artistes au cours de cérémonies officielles d’ouverture et de clôture? Tu le sais, il était pour le film qui continue de tourner. Alors plus tu feras d’efforts pour démêler les trois axes du problème, mieux ça ira pour la succession et la mémoire.” Retour triomphal de Berlin á New York, où les organisateurs du New York African Festival rendent hommage á Djibril à l’Université de New York, et me font l’honneur de m’inviter. Convié á prendre la parole, j’appelle Bineta NDiaye, la mère de Djibril, pour demander quel est le message qu’elle souhaiterait que je transmette à la cérémonie d’hommage. Ses mots furent: “Seul Dieu connaissait Djibril. Mais j’ai bon espoir pour son au-delá, car beaucoup de mendiants et de personnes handicapées l’ont accompagné vers sa dernière demeure. Il était généreux avec sa famille et avec les petites gens.” J’avais là le canvas pour mon discours, axé sur l’humanitarisme de Djibril. Nous étions encore au vingtième siècle. Sur la note qui accompagnait la belle photo qu’il m’avait promise, et envoyée de Dakar, Djibril avait écrit “Maman, qui aime cette photo de ses enfants en pousse, te bénit” Bien entendu, je renvoyais la photo originale à sa mére, après en avoir fait une copie. Plus d’une décennie s’est écoulée depuis l’avènement du vingt et unième siècle , et me retrouvant à mon bureau à Dakar, mon attention est attirée par une boite en carton contenant des documents. J’ouvre la boîte, ouvre une chemise, et que vois-je? Le billet New York-Detroit-New York au nom de Djibril ,qui avait disparu à New York! J’en fis un collage, intitulé Voyage de l’Eléphant Ailé” en hommage, que Joe Ouakam intégra dans son exposition “Le Congès de Minuit organisée dans sa Cour mythique durant la Biennale des Arts. Bara Diokhané

BLACK HISTORY BLUES

BLACK HISTORY BLUES Chaque année, durant le mois de Janvier, l’Amérique célèbre King’s Day un jour férié en l’honneur de Martin Luther King, leader emblématique, avec Malcom X, Rosa Parks,, Harriett Tubman, et autres Max Roach, Billie Holiday, Harry BelafonteNina Simone, John Coltrane, de la lutte des descendants d’esclaves pour leurs droits civils, politiques et culturels. Pendant tout le mois de Février de chaque année, l’Amérique célèbre le Black History Month, Mois de l’Histoire Noire, en reconnaissance de la contribution historique des Africains dans le développement du continent américain, devenu la première puissance mondiale. Depuis le mois de Juin 2021, une autre célébration de l’épique expérience africaine en Amérique, moins connue en dehors des Etats-Unis, est Juneteenth, qui commémore, chaque année le 19 Juin 1865, le jour où le Général Gordon Granger des forces de l’Union arriva à Galveston, Texas, et y annonça la fin de l’esclavage. Le 1er Janvier 1863 déjà, le Président Abraham Lincoln, un Républicain, avait en pleine guerre civile entre les Etats de l’Union contre les Etats Confédérés, proclamé la liberté des esclaves dans ces derniers Etats, après le rejet par ceux-ci de l’ultimatum que leur avait adressé Abraham Lincoln de rejoindre l’Union . C’est avec l’avénement du Treizième Amendement à la Constitution des USA , ratifié en 1865, que l’horrible crime contre l’humanité que constitue l’esclavage fut officiellement aboli en Amérique. Le Président Abraham Lincoln fut assassiné deux mois plus tard, preuve qu’une certaine Amérique lui en voulait d’avoir, en affranchissant les esclaves, ruiné leur économie et leur suprématie raciale. (Le Treizième amendement, ensemble avec les 14 Quatorzième et Quinzième amendements à la Constitution américaine constituent les clauses dites de Reconstruction. Le 14e accordant la citoyenneté à toute personne née sur le territoire américain, le 15e accordant le droit de vote aux Américains de race noire. Les amendements 1 à 10 constituent The Bill of Rights, ou la Déclaration des Droits.) Le Treizième Amendement a-t-il réellement aboli l’esclavage aux USA? La question n’est point saugrenue à la relecture dudit Amendement qui dispose que “l’esclavage et le travail forcé sont abolis à l’intérieur des Etats-Unis, et en tout autre lieu sujet à sa juridiction, sauf à titre de punition pour commission de crime dûment établi.” En d’autres termes, l’amendement qui abolit l’esclavage et le travail forcé , en prévoyant une exception, n’a totalement aboli ni l’un, ni l’autre., car maintenant cette possibilité pour les personnes condamnées de crime. A l’analyse ce texte ouvre la porte à deux possibilités pour le moins problématiques: La possibilité de contrôler des territoires situés en dehors des Etats Unis La possibilité d’utiliser le système de justice criminelle pour compenser les pertes économiques liées à l’abolition de l’esclavage. Il est notable qu’aux Etats Unis environ deux millions d’Américains croupissent actuellement dans des pénitenciers, la grande majorité étant constituée d’ Américains d’origine Africaine, lesquels, étonnamment constituent à peine 15 à 20% de la population américaine. Il est moins su que ce système de détention criminelle est à la base d’un complexe industriel qui génère des milliards de dollars au profit des multinationales et des Etats via les taxes et redevances. Tout récemment, une enquête menée durant deux années par des journalistes d’investigation d’ Associated Press -un des premiers groupes de presse dans le monde à s’être doté d’ une charte interne relative à l’utilisation de l’Intelligence Artificielle dans la pratique du journalisme-a révélé des faits choquants qui ramènent la question du 13e Amendement au devant de la scène de l’actualité, plus d’un siècle et demi après son adoption. Selon ladite enquête dont les résultats ont été publiés le 29 Janvier 2024, plusieurs des plus grandes compagnies multinationales américaines bénéficient en cachette du dur labeur de milliers de prisonniers détenus pour crime dans le Pénitencier de l’Etat de Louisiane. Et, comme par symbolique hasard, le même lieu qui abrite ce plus grand complexe pénitencier à sécurité maximale de tout le pays avait, il y a 150 ans, servi de plantation d’esclaves dans le Sud des Etats Unis! Les chaines de produits alimentaires issus de ce travail forcé se retrouvent sur les tables des familles américaines, voire exportés, y compris vers des pays dont les produits sont bannis aux USA pour exploitation du travail de prisonniers ou d’enfants! Loopholes! (Failles!) ou cynique concession faite aux esclavagistes pour obtenir leur retour dans l’Union? Les compagnies multinationales derrière cette infamante industrie trouvent bien une justification constitutionnelle à cette honteuse exploitation, à savoir l’exception permise par le 13e Amendement, portant abolition de l’esclavage et du travail forcé, laquelle a maintenu une fenêtre ouverte propice au retour maquillé de ces abominables et moyenâgeuses pratiques, grâce à un système de justice criminelle qui affecte disproportionnellement la communauté Africaine Américaine. En tous les cas, Il est urgent, il est possible, il est impératif que le Peuple Américain assainisse le 13e Amendement de sa Constitution afin de l’expurger du vice congénital que constitue l’exception constitutionnelle d’esclavage et de travail forcé pour condamnation criminelle. Il ne peut y avoir d’exception au bannissement des pratiques inhumaines d’esclavage et de travail forcé.L’existence, la persistance et la dangerosité d’une telle clause dans la Constitution américaine n’interpelle pas que le Peuple américain, mais l’humanité entière. C’est le Black History Blues…Et si l’Union Africaine, qui a érigé la Diaspora Africaine au rang de 6e Région, jouait sa partition? Si l’Amérique a attendu plus de 150 ans avant déclarer Juneteenth Fête Nationale en 2021, on peut espérer qu’au cours du 21e siècle la glorieuse US Constitution sera enfin débarrassée de ses scories esclavagistes et impérialistes qui contrebalancent les bonnes intentions le 13e Amendement Me Bara Diokhané Avocat Février 2024