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Tuesday, March 25, 2014

Etat de Droit, Etats de lois. Bara Diokhané

Les chiffres sont si effarants qu'on croirait à une farce de mauvais gout.

 Mais ils nous sont fournis par une source on ne peut plus officielle et autorisée, à savoir le haut fonctionnaire sénégalais au titre ronflant de Directeur de la surveillance et du contrôle de l'occupation du sol (DSCOS.

Selon le terrible aveu de ce haut responsable de l'administration centrale sénégalaise" sur dix bâtiments en construction à Dakar, les six ne sont pas autorisés."!

Choquant, non?

A voir les chantiers anarchiques défigurer le visage de la capitale en permanence, il est sidérant d'apprendre qu'une telle autorité, chargée de la "surveillance et du contrôle de l'occupation existe dans ce pays.

Monsieur le haut fonctionnaire aurait pu aussi ajouter que ces violations intolérables sont commises au vu et au su de out le monde, car tout Dakarois voit ces chantiers jaillir, et ces immeubles être démolis, sans qu'on ne voit sur ces chantiers un panneau visible mentionnant la date et le numéro de l'autorisation de construire, ainsi que l'administration qui l'a autorisée, et les maître d'oeuvre et/ou d'ouvrage.

L'effarante proportion de la fraude, à savoir 60%, ne dit pas autre chose qu' en matière d'urbanisme à Dakar, la fraude et l'informel demeurent la norme.

Pourtant il existe au Sénégal tout un arsenal législatif, notamment le Code de l'Urbanisme, qui proclame clairement que "nul ne peut entreprendre, sans autorisation administrative une construction de quelque nature que ce soit ou apporter des modifications à des constructions existantes sur le territoire des communes."

Si malgré cette disposition législative formelle et sans ambages, 60% des bâtiments sont construits sans autorisation, c'est qu'il y a un sérieux problème d'applicabilité des lois.

Et c'est là où éclate la différence entre un Etat de Droit, où la loi s'applique en cas de violation, quelque soit et un Etat de lois

Aux termes de l'article 85 alinéa 4 du Code de l'Urbanisme:


"Toute personne qui réalise ou entreprend; fait réaliser ou entreprendre, modifie ou fait modifier des constructions ou installations sans autorisation administrative ou en violation des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, est punie d'une amende de 100 000 à 10 000 000 francs."


"Lorsque les constructions ou installations ont été entreprises ou réalisées dans une zone non lotie, les peines sont une amende de 100 000 à 2 000 000 francs e un emprisonnement de dix mois à deux ans ou de l'une de ces deux peines seulement."

Le tribunal peut, sur requête de l'administration ou d'office, ordonner la démolition des constructions édifiées en contravention des dispositions applicables, et la remise en état aux frais du condamné.."

Ce ne sont donc pas les moyens qui manquent, sur le plan juridique, du moins,pour faire face à ces violations.



L'Etat du Sénégal saisira t-il ou non les tribunaux, et ordonner la démolition?

La Justice va t-elle se saisir d'office de la question?

La représentation parlementaire va t-elle ordonner des enquêtes?

Les réactions de ces différentes institutions de la Chose Publique face à cette situation de violations massives du Code de l'Urbanisme, probablement facilitées par des complicités passives ou actives
"d' insiders" véreux, sera un indicateur pertinent du poids actuel du Sénégal dans la balance.

 Etat de Droit ou Etat de lois?

Bara Diokhané
www.facebook.com/rendakpla

Monday, March 17, 2014

L'Avocat et les Droits Humains (Part 3)





Quand ils se trouvent dans une société comme la notre, dans un Etat de droit comme celui qui règne dans les sociétés occidentales, leur rôle est de vigilance, sans doute, mais au fond il n'est pas très difficile à assumer, car il ne demande que de la lucidité et de la précision; veiller à ce que les droits de la défense soient respectés. Tel est le premier devoir de l'avocat, même si cela cause quelques impatiences en lisant le résultat dans la presse du soir, à celui qui saura qu'il aura à répondre ensuite devant le parlement d'une interpellation furieuse à propos de telle annulation, de telle instruction qui a entraîné la mise en liberté justifiée en droit de telle personne dont la seule libération suscite la mobilisation de l'opinion publique...

...Mais je marque sur ce point que j'étais sûr - point n'avais je besoin pour cela de faire de pari avec moi-même, et je m'en réjouissais à l'avance- que nous verrions un criminel contre l'humanité détenu dans les prisons françaises, qui laissait trace dans l'histoire de notre pays, ne pas manquer de se précipiter pour exercer le recours individuel à Strasbourg. Je m'en réjouissais parce que j'y voyais une symbolique formidable. Telle était sa conception à lui des Droits Humains et voilà que nous lui offrons cette garantie de plus! C'était bien la victoire du Droit et de la Démocratie...

...Dans le respect des Droits Humains, si le rôle des avocats est constant, dans nos sociétés, le rôle des magistrats qui sont, je le rappelle, constitutionnellement les gardiens des libertés individuelles, n'est pas moindre, et je me plais à le dire ici et à la place où je me trouve. La jurisprudence, la vigilance avec laquelle les magistrats assurent en France et dans les sociétés occidentales le respect des garanties de l'Etat de Droit., c'est à dire les garanties des Droits Humains, font qu'ils sont comme les avocats dans nos sociétés, au premier rang de la défense des libertés individuelles et dans la mesure où elles pourraient se voir par accident compromises, au premier de la défense des Droits Humains. De même dans l'ordre international, mais ce n'est pas toujours ainsi.

C'est peut-être au moment où change le mouvement de l'histoire, ou bien dans d'autres pays où les citoyens ne bénéficient pas des mêmes garanties et où les Droits Humains ne sont qu'une référence commode à fin de consommation extérieure, c'est dans ces moments-là et dans ces sociétés-là que le rôle de l'avocat devient important, difficile et dangereux.

Il en est toujours ainsi pour les femmes et les hommes de liberté, quand les libertés sont effectivement et pas seulement aux fins de discours politique, purement compromises ou qu'elles sont écrasées, à cet instant-là il faut assumer des risques majeurs.

S'agissant des avocats, quand ces heures-là viennent, alors ils sont les premiers interpellés, parce qu'ils se trouvent les premiers à avoir à assumer dans les palais que l'on ne peut plus appeler de justice, des causes où il leur faut soutenir envers et contre tout, et les droits de la défense et les Droits Humains.

J'ai maintenant derrière moi un certain nombre de décennies qui m'interdisent de prétendre, même si on prolongeait sévèrement l'outrance, de prétendre être un jeune avocat, mais dans cette carrière, mes souvenirs les plus vifs s'inscrivent, au-delà de la frontière, dans d'autres enceintes judiciaires, auprès d'autres avocats, hommes et femmes que je salue ici et que j'ai vu au péril de leur vie et de la sûreté des leurs, de leurs enfants, prendre pour le service des Droits Humains des risques qui pour certains se sont avérés mortels.

Je transporte avec moi une sorte de liste personnelle, et c'est en pensant à ces avocats car il y en avait, et à ces avocats là, car ils étaient là, que je rejoins les paroles que vous avez prononcées, Mr le Bâtonnier Favreau et Mr le Président Cahen.

Puissent leurs pensées être toujours avec nous. 

Robert Badinter

Avocats et Droits Humains (Part 2)





Suite Discours de Mr Robert Badinter, Garde des Sceaux. 22e Congrés AIJA. Bordeaux 1984


Alors, deux cent après, où en sommes nous?

S'agissant de l'idéologie elle même, son triomphe est éclatant.

Il est tout à fait significatif, qu'en 1947, la Déclaration Universelle soit intervenue. Jusque là, on n'éprouvait pas le besoin de proclamer ainsi à la face du monde que les Droits Humains étaient la dimension morale de tous les régimes qui venaient d'abattre ceux qui se réclamaient d'une telle idéologie entièrement différente, fondée sur le racisme, la violence, l'arbitraire et la force.

A partir de la Déclaration Universelle, vous avez, se succédant dans la conscience internationale, une série de proclamations et de déclarations dont je ne vais pas reprendre l'inventaire, sauf, dans un instant pour dégager le sens de la transformation intervenue.Cet ensemble de déclarations est bien la marque qu'il s'est fait une sorte de consensus mondial autour du principe que les Droits Humains doivent gouverner la Société Humaine. Il y a certes aujourd'hui même quelques apparitions d'une idéologie contraire dans certains pays.

Mais, finalement, vous constaterez que, s'agissant de ce que l'on peut appeler justement la Conscience Internationale, c'est au regard des Droits Humains que chaque pays accepte ou revendique d'être jugé avec cependant la triste remarque le plus souvent lorsqu'on assiste aux congrès internationaux- pas bien entendu ceux de l'Association Internationale des Jeunes Avocats, je parle de ceux où les puissances s'affrontent- on se dit, en écoutant ce qui se dit à la tribune et en réfléchissant à ce qui se passe dans le pays de l'intervenant, que le tribut payé aux Droits Humains est communément l'hommage du vice à la vertu, plus que la réalité de la pratique ordinaire. Ils demeurent tout de même la force morale reconnue...

..Nous sommes passés dans l'ordre juridique international, de l'ordre moral à l'ordre de droit. Et ce progrès là est considérable. C'est pourquoi j'ai ressenti, je le dis très franchement, un sentiment de si grande fierté pour la France, et de si grand accomplissement personnel à un instant d'une carrière ministérielle très brève, à coté de la votre, Mr le Maire, mais relativement agitée.

Et lorsque je me suis trouvé à Strasbourg, à l'instant où, au nom du Gouvernement français, nous avons enfin, avec Mr Chandernagor, levé les réserves à l'exercice du recours individuel, j'ai eu le sentiment très profond qu'à cet instant là, nous entrions dans une dimension nouvelle de l'ordre juridique français, en y insérant cette donnée irremplaçable: la garantie internationale du respect des Droits Humains, au delà même de nos juridictions nationales.

Donc, changement, avec ce passage évidemment limité, puisqu'il s'agit pour nous uniquement de la Convention Européenne, de l'ordre moral à l'ordre juridique.

Alors, ce dernier adjectif me permet de rebondir: les Avocats, au regard de cette extension des Droits Humains, de cette prise de conscience, quel est leur rôle? Mieux vaut peut-être utiliser le terme: leur mission?


A suivre....

L' Avocat et les Droits Humains. (Part 1)







Extraits Discours prononcé par Mr Robert Badinter, Garde des Sceaux au 22e  Congrès de l'Association Internationale des Jeunes Avocats. Bordeaux 1984

Pour parler des rapports de l' Avocat et les Droits Humains, mieux vaut dire les choses clairement: les Droits Humains, qu'est ce?

Eh bien, je vais utiliser un terme qui, curieusement,  semble avoir singulièrement la défaveur en ce moment d'une partie du public,  voire même de certains intellectuels: les Droits Humains,  au départ,  c'est une idéologie,  c'est une éthique en même temps qu'une conception du monde, c'est, à ce dernier titre une idéologie. 

Il en est de bonnes et de mauvaises, mais s'il n'y avait plus d'idéologie en ce monde, à quoi d'une part serviraient les intellectuels et vers quoi d'autre part tendraient tous ceux qui peuvent se faire une conception différente et meilleure du monde?

Donc une idéologie, et une idéologie qui a cette caractéristique d'être fortement empreinte d'éthique.

Les Avocats n'y ont pas été, du moins dans la formulation d'origine, tout à fait étrangers.

Jefferson, vérification faite, avait été avocat au barreau de Virginie. Par conséquent,  nous pouvons dire avec quelque assurance que la première Déclaration des droits humains qui a vu le jour en Occident a été pour l'essentiel écrite par un avocat qui ensuite, évidemment, s' était consacré à la politique et aussi, il faut le dire, à la plantation.

En 1789, dans le comité de rédaction - j'ai interrogé tout à l'heure le Bâtonnier Favreau pour confronter mes vues historiques avec les siennes, car nous n’étions pas absolument assurés du nombre d'avocats qui ont œuvré dans le sein du comité de rédaction, et n’étions même pas tout a fait d'accord sur le nom du responsable principal: il en tenait pour Mirabeau pour l'excellence de sa plume, moi je suis convaincu que c'est le Duc de la Rochefoulcaud Liancourt qui a écrit: " Tous les hommes naissent libres et égaux en droit".

Il est aussi certain que dans la Constituante de 1789,  la représentation des avocats se trouvait être plus forte qu'à aucun moment de  notre histoire.

Quand j'entends parfois dire par certains hommes politiques qu'il est "discraciozo" d'être avocat quand on est au moins Garde des sceaux,  je rêve en pensant aux ancêtres de 1789 et je ne reprendrai pas la longue liste républicaine.

Donc, dès l'origine, il y a ce rapport très significatif entre les Avocats et les Droits Humains et - marquons dès le départ - cette simple constatation pour celui qui veut bien relire un instant le grand texte, qu'au rang des Droits humains figurent les principes essentiels des droits de la Défense .

 Dès l'origine, les droits de la défense apparaissent comme une expression des droits humains, assurément comme une de leurs garanties les plus fortes, car la présomption d'innocence,  le droit au procès public,  l'interdiction d'être arrêté en dehors de contrôle par le magistrat, et plus tard,  l'assistance de l'avocat indépendant et librement choisi., tout cela, tous ces droits de la défense et je pourrais en trouver d'autres,  sont autant d'expression des Droits Humains.

Donc, affinités  historiques mais si on me permet de le dire, affinités fonctionnelles,  liaison nécessaire,  indissociable.

A suivre...



Saturday, March 15, 2014

L' Aventure du Tour Juridique du Sénégal (1988-1992)







Ce mercredi 20 Janvier 1988 n'était pas un jour ordinaire au Tribunal régional de Tambacounda, siégeant en matière correctionnelle, sous la présidence du Juge Alioune Guéye, Mr Gora Seck occupant le banc du Ministère Public.

Pourtant au rôle de l'audience n'étaient inscrites que trois affaires, d'apparence, somme toute, banales.

Mais, la veille de l'audience, 7 jeunes avocats avaient quitté Dakar, à leurs frais, à bord d'un minibus dont les amortisseurs avaient perdu tous ressorts, pour venir offrir gracieusement leurs services de conseil et défense à toutes les parties en présence, parties civiles comme prévenus.

Pour ces avocats pionniers membres de l'Association des Jeunes Avocats Sénégalais, Tambacounda constituait la première manifestation concrète du programme dit "Tour Juridique du Sénégal".






Ce programme avait pour ambition de donner corps, à un niveau national, au concept de droit de la défense, lequel est, selon la Constitution ségalaise, " un droit absolu, à tous les niveaux de la procédure".

Pour atteindre ce but, l' AJAS, sous la présidence de Me Bara Diokhané, se proposait de prendre: faire le tour de toutes les région du Sénégal pour:

- tenir des conférences publiques en langues locales sur des problémes bien identifiés, en relation avec la problématique droits humains. Ainsi, dans la région de Tambacounda, c'est la question de l'état civil qui fut traitée, en présence des populations, des autorités locales, coutumière◙res.

 Pour l'histoire, Me Sidiki Kaba, l'actuel ministre de la justice du gouvernement du Sénégal, et originaire de Tambacounda, faisait partie de ce groupe de jeunes avocats; il  avait été désigné pour animere sa premiére conférence publique dans sa ville natale)(

- visiter les prisons et prendre en charge les affaires de longue détention

- offrir des consultations juridiques gratuites aux populations

- plaider gratuitement toutes les affaires pénales inscrites au role du tribunal.


L'éloignement, la grande chaleur, la pauvreté ont fait qu'aucun cabinet d' avocat ne s'est jamais installé dans ce chef lieu de région qui abrite un tribunal régional.
Donc l'annonce la veille par la station régionale de la radio nationale, de la présence d'avocats venus de Dakar, venus offrir gracieusement leurs services de conseil, d'assitance et de représentation, constituait un événement grandiose, et symbolique.

La premiére affaire inscrite au role du tribunal était une histoire de vol en réunion commis la nuit au préjudice de l'employeur.

Grave délit, s'il en faut, car ce délit comportait trois circonstances aggravantes:
En effet il a été commis en groupe, la nuit, et au préjudice de l'employeur.

La réunion de ces circonstances aggravantes interdit au tribunal d'accorder le bénéfice du sursis aux prévenus, qui étaient en détention depuis depuis plus de deux années.

Ce n'était pas la premiére fois que cette affaire était évoquée par le tribunal, mais à chaque fois elle était renvoyée à une autre date, car un recéleur présumé, qui habitait le village de Thiakaye, dans l'arrondissement de Bandafassi, n'a pu être touché par les citations.

"Renvoi pour citation de X, prévenu de recel dans l'affaire", allait encore dire le juge Guéye.




La région de Tambacounda est la plus vaste du Sénégal, s'étendant sur un tiers du territoire. Malgré la richesse de son sous sol, elle est la moins pourvue en services admnistratifs, judiciaires, et en infrastructures.

 Acheminer une convocation du parquet de village à village peut relever du parcours de combattant.

Encore faut il d'abord arriver à identifier correctement les protagonistes dans une région où naissances, décés, mariages ne sont pas des événements que l'on va forcément déclarer à une administration éloignée parlant une langue inconnue.

A l'audience, un avocat de l'AJAS se constitua pour les prévenus.

Aprés un long interrogatoire des prévenus, l'avocat prit la parole

-" Mr le Président, permettez moi d'émettre des doutes sur la validité de cette procédure..."

-Je vous écoute, Maitre."


-" Mr le président, je reléve dans ce dossier trois causes de nullité qui devraient vous amener à relaxer immédiatement ces individus illégalement détenus depuis presque trois ans".


 "En effet le délai de garde de vue pour les besoins d'une enquête préliminaire est de 48 heures, renouvelable sur autorisation du Parquet .Or, l'examen du dossier révéle que ces personnes ont été gardées à vue non stop pendant 90 heures, sans aucune autorisation de prolongation."


"Je reléve aussi, pour le déplorer, que les perquisitions qui ont été effectuées dans les domiciles des prévenus l'avaient été en violation des dispositions du code de procédure pénale, selon lesquelles "les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ne peuvent être effectuées sans l'assentiment exprés de la personne chez qui l'opération a lieu. Et cet assentiment doit faire l'objet d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé. Cette formalité n'a pas été respectée"



- le procureur

"Cher Maitre, dans la pratique, il nous est impossible de respecter les formes et délais légaux, compte tenu des distances, et parfois du manque de véhicules, ou de carburant. Nous sommes obligés d'utiliser la voie des "autorisations téléphoniques de prolongation"

- le juge

Cet argument ne saurait être retenu

-l' avocat
En plus, les témoins à décharge cités par les prévenus n'ont jamais été convoqués par le juge d'instruction, alors que celui-ci est tenu de par la loi d'instruire à charge et à décharge. Ce juge n'a instruit qu'à charge, ce qui rend toute la procédure nulle, car menée en violation des droits de la défense."

Le tribunal ordonna l'annulation de toute la procédure et la mise en liberté immédiate des prévenus, détenus tout ce temps.


Au fait, que leur reprochait-on d'avoir volé? 3 baignoires en plastique, une radio, 3 bouteilles de limonade, 7 morceaux de savon, 3 flacons de poudre talc!

Le président du tribunal gratifia l'audience d'un discours où il loua l'initiative des jeunes avocats, disant qu'il ne s'était jamais senti aussi à l'aise dans sa fonction de juge; car la présence d'une défense libre et efficace rend un procès équitable, et permet au magistrat de juger en toute conscience.

Ce type d'audience, qui d'habitude était tenue de maniére expéditive à cause de l'absence d'avocats, dura trois heures d'horloge. Du jamais vu à Tamba!

Cette initiative des jeunes avocats sénégalais n'est certes pas étrangére à la mise sur pied, quelques années plus tard, d'un fonds d'assistance et d'aide judiciaire, désormais financé par l'Etat.

C'est le lieu de rappeler la contribution appréciable de la Fondation Ford, qui finança le partage de l'expérience du Tour Juridique du Sénégal avec des avocats de la sous région.

Wednesday, March 12, 2014

YAADIKKOON: Bandit ou Héros National? Bara Diokhané







Le cinéaste Djibril Mambeti Diop tenant un portrait de Yadikoon


"Il est vêtu d’une chemisette et d’un short usagé et crasseux, de nombreux gris-gris entourent son torse et ses bras. Celui auquel il tient le plus est un petit miroir de sac à main dont la glace porte des caractères arabes tracés à l’encre blanche et qui [...] lui permet de briser les entraves les plus solides et de fausser compagnie aux plus habiles limiers. Pour une fois, le miroir magique a été sans effet". 

Tel était le compte rendu du journal "Paris-Dakar" du 17 avril 1956, un quotidien proche des vues du pouvoir colonial, lors d'une des multiples arrestations suivies d'évasion de Yaadikkon. Pour tout Dakarois des années 1950 à 1960, cet homme était un mythe. Héros généreux pour les pauvres, brigand dangereux pour l'administration coloniale. Pour les adolescents de Dakar, Grand Yadi était le pourvoyeur d’accès gratuit au cinéma, le modèle de courage et de défiance urbaine envers l'autorité coloniale.On le disait aussi doté de fortes protections mystiques, car il réussissait toujours à tromper la vigilance des policiers et gardes pénitentiers au service de l'Administration coloniale, quelque furent les rigueurs de son régime carcéral.

 Mais, au delà de la thèse du voleur racontée par le chasseur, a-t-on réellement interrogé les motivations profondes de ce lion qui n'avait qu'une cible:l'économie coloniale symbolisée par les entrepôts du port de Dakar?

L'"expropriation" et la redistribution gratuite au peuple de biens "saisis" a toujours été une tactique révolutionnaire. C'est bien ce qu'une organisation révolutionnaire comme Los Tupamaros- des rangs desquels, ironie du sort, est issu l'ancien Président de la République d'Uruguay, Son Excellence Jose Alberto "Pepe" Mujica- théorisait et pratiquait, bien après Yadikkon! A la seule différence n'a jamais utilisé la violence meurtriére.

Alors, Yaadikkon, brigand dangereux, bandit bien-aimé ou précurseur incompris d'une forme nouvelle de guérilla urbaine contre l'occupant colonial?  

La réplique de Grand Yadi au Président du tribunal colonial, telle que rapportée ci-après par Me Gilbert Danon, un avocat qui défendait les intérêts des victimes de Yaadikkon, apporte un précieux éclairage sur sa démarche politique, et la nature révolutionnaire de son combat  politique.

Un véritable héros du peuple. 

Un potent personnage hollywoodien. 

Feu Adramé Seck avait d'ailleurs écrit un scénario sur Yadikkon qui n'a malheureusement toujours pas été porté à l'écran.Le cinéaste Djibril Mambéti Diop, quant à lui, avait créé, sur l'Ile de Ngor, une structure à objet philanthropique qu'il avait dénommée Fondation Yadikkon pour l'Enfance et la Nature. Nguekokh, son village natal , l'a honoré en baptisant l' Ecole primaire Yadikkon. 

Vivement une superproduction cinématographique sur Yadikkon! Et/ Ou le baptême d' une rue Yadikkon à Dakar.

Une figure historique de cette dimension mérite notre respect et reconnaissance





YAADIKKON, LE BANDIT BIEN-AIME

Dans les années 1950, le seul nom de Yadikkon faisait frissonner les uns, et rendait les autres rêveurs.


Yaadikkon, c'était l'Arséne Lupin sénégalais, métissé de Robin des Bois!


 Les vols les plus audacieux étaient signés Yaadikoon, mais ils étaient toujours commis sans effusion de sang, sans coup de feu, sans blessures.


Yaadikkon pillait les entrepôts des grandes sociétés coloniales et distribuait son butin dans les quartiers les plus démunis où, en quelques minutes, toute trace de vol disparaissait.


Arrêté à plusieurs reprises, il s'évadait de façon spectaculaire, ce qui frappait les esprits, et amenait à chaque audience où il était jugé un peu plus de monde et beaucoup de gendarmes.


Son attitude sur l'audience était unique: servi par sa taille, 1,90 m environ, sa stature athlétique, il se plaçait à la barre, face au Président, les bras croisés, les jambes légèrement écartées. 


Comme pour indiquer d'emblée:" je n'ai pas peur, je suis bien sur mes jambes et je t'attends"


Quand on lui demandait s'il reconnaissait les vols dont il était prévenu, il répondait:


- " La France autorise ses sociétés coloniales à voler mes compatriotes. Je ne fais que restituer aux victimes les biens dont elles ont été dessaisies".


- "Vous n'avez pas à vous instituer en justicier ; aux yeux de la loi, vous commettez des vols."


- "Mr le Président, ce qui compte pour moi, ce n'est pas ce qui est juste selon votre loi, mais c'est ce que pensent mes concitoyens. Ai-je volé un Noir ou un Toubab?  Je ne pille que les entrepôts des grands commerçants coloniaux qui sont à mes yeux des pillards, et vous savez que je ne conserve jamais ce butin."


Condamné à plusieurs reprises, il fit quelques séjours en prison, où il jouissait d'un régime particulier.


D'une part il était sévèrement gardé, mais par ailleurs, il était chouchouté par ses codétenus, qui veillaient à ce qu'il ne manque de rien, et qui l’aidèrent à s'évader.


Dés l'indépendance du Sénégal, Yaadikkon cessa ses activités à Dakar, et retourna à son village de Nguekokh où il s'adonna à la formation des jeunes villageois à l'agriculture et à la lecture du Coran, jusqu'à sa mort.


Me Gilbert Danon
Ancien Avocat au Barreau de Dakar

 

Tuesday, March 11, 2014

L' AIJA et la Magie de Dakar






Il y a plus d'un quart de siècle, Dakar abritait la première rencontre internationale de jeunes avocats sur le continent africain. Voici le compte rendu qu'en avait fait Maître Francois Ruhlmann, du Barreau de Strasbourg.

L'idée avait germé depuis le congrès d'Helsinki, de manifester de façon plus concrète et éclatante le caractère international et mondial de notre association par une première halte en Afrique.

Elle a pris corps sous la présidence de notre déterminé Président Murray Levin.


Le Délégué Présidentiel pour le Sénégal, notre ami Bara Diokhané, efficacement entouré d'un groupe de brillants confrères et d'adorables consœurs désormais membres de l'AIJA, a su transformer cette visite à un nouveau continent en un succès éclatant et un moment qualifié d'historique par l'Association des Jeunes Avocats Sénégalais réunis dans le même temps au Palais de Justice de Dakar dans le cadre des festivités célébrant son dixième anniversaire, en présence des plus hautes autorités judiciaires du Sénégal, et du Maire de Dakar, Mr Mamadou Diop.




Les membres du Bureau Elargi présents ont découvert, au delà des chatoiements et des bontés d'une Afrique enchanteresse et chaleureuse, un jeune barreau dynamique, résolument tourné vers l'avenir.


L’inquiétude de la rencontre avec un nouveau monde une fois dissipée et le premier contact dépassé, chacun plongea avec passion dans les bras tendus et affectueux de l'Afrique pour s'y laisser bercer le temps trop court d'un long weekend vite devenu instant privilégié de co-naissance et d'éternité partagées.


Une hospitalité généreuse et une curiosité réciproque mêlée de respect ont été de tous les instants.




L'ensemble des repas pris en commun, dans des sites baignés de soleil et de douceur, au bord du Lac Rose, à l’Île de Gorée et au Lagon ou dans des cadres traditionnels africains ont donné lieu à des échanges passionnants et à la prise de parole successive, empressée et souvent émouvante de tous et de chacun, entre la dégustation de mets succulents et originaux.


Les quelques moments de répit disponibles dans un programme dense et équilibré ont été consacrés à une visite de Dakar et de ses environs, reflets chargés de symboles d'une Afrique ancestrale et d'un continent en pleine émergence.


Les soirées et les nuits ont toutes été chaudes, au sens propre comme au figuré, et se sont terminées, dans des lieux réservés à l'AIJA ou totalement cosmopolites, dans un grand bain d'amitié voire de folie contagieuses, au son des tam-tam et au rythme des danseuses du mondialement célèbre Doudou NDiaye Rose, ou de la voix suave de Mahawa Kouyaté, chanteuse de réputation internationale, spécialement invités pour l'AIJA.



Mais ne penser qu'à la joie du corps et des sens serait sans doute oublier ce qui fut l'essentiel: l'harmonie des esprits et des cœurs.



La marque définitive de l'ouverture à un nouveau continent, une démarche de compréhension et de dialogue mutuels, la confiance et l'amitié de nos confrères Africains, une volonté de l'AIJA d'accompagner, dans toute la mesure de ses possibilités, l'évolution du Barreau Sénégalais et des Barreaux Africains vers leur pleine maturité dans la création vraisemblable d'une AIJA inter-régionale susceptible de se réunir bientôt au Cameroun ou en Mauritanie.


Ce serait occulter aussi la prise de conscience des besoins spécifiques de l'avocat Africain, mais surtout le fait que ses problèmes et son idéal ne sont pas essentiellement différents de ceux du parfait Avocat, pleinement compétent et profondément humain que l'AIJA voudrait inspirer en modèle.


L'avenir de la profession est Un, même si cette unicité est riche de mille contrastes.


Nous devons tous y travailler, ensemble, d'une même pulsation et d'un même esprit.




A bientôt, comme le projettent déjà nos amis d'Afrique, un Comité Exécutif ou un Congrès sous le chaud soleil et dans le rayonnement ardent, loyal et amoureux des terres africaines.




L'Afrique, et plus particulièrement les jeunes avocates et avocats sénégalais ont bien mérité de l'AIJA:


De l'avis de tous ceux présents à Dakar, de mémoire d'ancien jeune avocat, la réunion de février 1987 à Dakar a été la plus belle et la plus fidéle à l'esprit pionnier de l'AIJA.




Nous reviendrons.....Nous sommes attendus et serons à jamais bienvenus, dans le pardon et l'oubli des erreurs coloniales et l'expression accomplie de l’Âme Africaine, avec Amour.




François Ruhlmann

Avocat 
Strasbourg

AIJA: Association Internationale des Jeunes Avocats
Crédit Photos: James Leite
www.facebook.com/rendakpla



Wednesday, March 5, 2014

Le Comble!




Les images contenues dans la video ci-dessous qui, filmée il y a moins d'une semaine, sont choquantes, mais il faut les voir pour y croire.

Nous sommes dans le centre-ville de Dakar, actuelle capitale du Sénégal, ancienne capitale de l'AOF.

Nous sommes à Dakar-Plateau, quartier au métre carré le plus cher du Sénégal, quartier des affaires gouvernementales, financiéres et diplomatiques.

Dakar, que chantait John Coltrane. Dakar, la ville des escapades de Wangrin dans le roman classique d'Ahmadou Hampaté Ba. Dakar, le" personnage" des films cultes d'Ousmane Sembéne et de Djibril Mambéti, qui accueillit le monde ses arts et lettres lors du Premier Festival Mondial des Arts Négres de 1966.




Au centre ville de Dakar, à Dakar-Plateau, ce quartier cosmopolite naguére fleuron de l'Afrique, s'est installée une situation désastreuse et alarmante, avec, malheureusement, la bénédiction et l'assistance au forceps de la Ville de Dakar: des structures informelles de commerce de produits artisanaux et d'articles de commerce contrefaits qui défient toutes les lois sur l'environnement, sur l'assaissinissement et les droits des citoyens.

D'ailleurs, Mme Habibatou Diallo, Présidente de la Chambre administrative la Cour Suprême du Sénégal a, par ordonnance, fustigé cette pratique municipale, en faisant droit à la requête des habitants de Dakar-Plateau, aux fins de désigner un expert pour faire l'étude d'impact environnemental du projet de recasement sur la rue Mass Diokhané.

Nous sommes dans l'attente du dépot du rapport de l'expert désigné par la Cour Suprême, en ce qui concerne le site prévu sur la rue Mass Diokhané.

C'est à grace à une forte mobilisation citoyenne, pacifique et démocratique  (lettres de protestation, pétitions de plusieurs centaines de signatures, campagne media, procédure judiciaire etc...) que nous avons pu éviter le calvaire que vivent malheureusement d'honnêtes et paisibles citoyens victimes de l'installation sauvage de trois aures "sites de recasement provisoire" sur l'avenue Peytavin et sur l'avenue George Pompidou, devenu village nocturne de lépreux, et territoire de "bujumen"!

Aprés la malencontreuse décision municipale d'installer "provisoirement", c'est à dire pour 6 mois, ces "machins sales" appelés "sites de recasement provisoire" dans notre beau quartier de Dakar-Plateau, les résultats sont là, dont le plus ridicule est que ces machins dits "provisoires" sont encore sur ces sites empruntés presque de force à des propriétaires intimidés, depuis bientot un an!



L'impact environnemental de ces immondes installations bâchêes, dits sites de recasement provisoire indignes de Dakar-Plateau, ne s'est pas fait attendre:

- pollution, pollution, pollution....

-Saleté, bruit, harcèlement, occupation privée de la voie publique, chants nocturnes, mendiants, enfants exploités, commerce illicite de produits contrefaits, etc...

Tout cela sous couvert d'une administration municipale de Dakar!

 Une insulte aux notions élémentaires d'assainissement, d’hygiène, d'aménagement et de civilités urbaines.

 Un affront aux populations stoïques de Dakar-Plateau


Mais le comble est assurément atteint lorsque ces marchands installés par décision arbitraire de la Ville de Dakar sur des propriétés privées, se mettent- faute de toilettes adéquates en nombre suffisant sur le site "provisoire"- à faire leurs besoins dans des....sacs en plastique, pour ensuite balancer ces sacs contenant leurs excréments dans la cour des voisins de l'immeuble de la SAR sis à l'avenue Jean Jaurès!

Les pauvres habitants de l'immeuble de la SAR, pour la plupart des cadres africains de la BCEAO ne savent plus à quel saint se vouer.




Il ne leur a pas suffi de faire de Dakar une ville bidon; ils sont entrain d'en faire un bidonville, et une bombe sanitaire à retardement..

Dakar se souviendra à l'heure proche du bilan de ces politiciens pollueurs.

En attendant, le Collectif Renaissance Dakar-Plateau reste vigilant, et étudie les voies et moyens légaux de faire cesser cette nuisance intolérable dans un Etat de Droit.



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