Lettre d’un Dakarois au Maire de Dakar
Nous sommes le 25 septembre 2013, et j’aperçois à travers la poussière de ma fenêtre, un employé d’une société nommée UDE s’affairer sur un terrain nu situé en plein centre-ville, sur la rue Mass Diokhané . C’est une propriété foncière d’une grande valeur économique, vu sa superficie. L’employé de cette chanceuse compagnie privée omniprésente dans les affaires de la cité est entrain de tracer sur le sol les lots attribués aux marchands tabliers déguerpis de la zone de Sandaga.
M’approchant du site, je compte plus de 200 places à
attribuer ! Quel choc !
Pour rappel, le 8
juillet 2013, a été déposée à l’Hôtel de Ville une pétition des habitants de la
commune de Dakar-Plateau, demandant la suspension de l’installation spontanée de
ce marché sur la rue Mass Diokhané, et le respect préalable des formes et
procédures légales prévues en la matière.
Aucune réaction officielle ne nous est parvenue de l’Hôtel
de Ville , jusqu’à présent.
Bon sang, 500 citoyens pétitionnaires de Dakar ne méritent-ils donc pas considération de leur maire élu ?
Alors, c’est la lettre adressée par le Maire de Dakar aux
Dakarois à travers les media qui m’offre l’occasion, en tant que Dakarois né à Dakar-Plateau
avant l’indépendance, de prendre à témoin les Dakarois et l’Histoire, à propos
du projet curieux et malvenu de polluer notre cher quartier, par le
« recasement provisoire des marchands tabliers » sur des terrains nus
qu’ auraient prêtés des citoyens installés dans l’anonymat.
L’inesthétique et
pollueuse installation « provisoire » qui dure déjà depuis 6 mois, de
trois marchés sur des sites non aménagés et inadaptés, sur l’axe combien
symbolique et précieux de l’avenue Peytavin/ Pompidou donne une idée
claire du sort peu enviable que réserve l’administration municipale à notre
beau quartier, par l’installation projetée d’un quatrième marché
« provisoire » de plus de 200 marchands tabliers sur la minuscule rue
Mass Diokhané.
D’autant que 6 mois après l’installation
« provisoire » de ces sources de pollution dans notre quartier, Mr le
Maire nous promet vaguement dans sa lettre aux Dakarois que « le marché
sur le site de Félix Eboué sera fonctionnel dans quelques mois ».
( La notion de provisoire, telle que pratiquée
historiquement par l’administration
sénégalaise est éminemment élastique. Par exemple, le prestigieux Musée
Dynamique, l’unique musée d’art contemporain du Sénégal, est provisoirement occupé par la Cour
Suprême, devenue Cour de Cassation, redevenue Cour Suprême, depuis …1988 !
La rue Mass Diokhané elle-même a été « provisoirement » amputée d’un
bloc entier par les services du ministère de l’Intérieur suite à la grève des
policiers en…1988 !)
Naguère calme, propre et bien fréquenté, ce secteur de
Dakar-Plateau, comme tout le quartier d’ailleurs , est devenu depuis une
dizaine d’années, sale, méconnaissable et hostile à cause de nuisances et
trafics de toutes sortes. Un véritable secteur de non-droit en plein centre-ville,
malgré la proximité du ministère de l’Intérieur, et de représentations diplomatiques.
Certes, les habitants de Dakar-Plateau avaient applaudi
lorsque, mettant à profit l’occasion constituée par la visite de Barack Obama,
la Ville de Dakar procédait au désengorgement de Sandaga.
Nous attendions patiemment que la mesure s’étendît à notre secteur, comme promis par ses agents. Mais nous nous sommes sentis bernés et offensés lorsque la Ville de Dakar a décidé unilatéralement de faire de notre de notre étroit secteur résidentiel, un site de recasement provisoire de plus de 200 marchands tabliers déguerpis de Sandaga. A moins de cent mètres de là d’où ils ont été délogés…
Nous attendions patiemment que la mesure s’étendît à notre secteur, comme promis par ses agents. Mais nous nous sommes sentis bernés et offensés lorsque la Ville de Dakar a décidé unilatéralement de faire de notre de notre étroit secteur résidentiel, un site de recasement provisoire de plus de 200 marchands tabliers déguerpis de Sandaga. A moins de cent mètres de là d’où ils ont été délogés…
Si c’est que Mr le Maire appelle pompeusement la
« rénovation de notre cadre de vie », « la redistribution de
l’espace urbain », « la reconquête de l’espace public »,
« la mission au service de Dakar », c’est à désespérer de nos élus
locaux.
Pour nous cela s’appelle simplement déplacer le problème, ou alors déshabiller Paul pour habiller Pierre, autrement dit, faire la politique du « suul Bukki, suuli Bukki ». Cela semble en porte à faux avec l’ambition proclamée de « donner à Dakar la fierté d’une ville moderne.»
Pour nous cela s’appelle simplement déplacer le problème, ou alors déshabiller Paul pour habiller Pierre, autrement dit, faire la politique du « suul Bukki, suuli Bukki ». Cela semble en porte à faux avec l’ambition proclamée de « donner à Dakar la fierté d’une ville moderne.»
A dire vrai, Dakar au
20é siècle était déja moderne et vivable,
et attirait plus de touristes et d’événements internationaux que le
Dakar du 21e siècle.
Les jeunes du Plateau n’ont ni terrains de jeux, ni espaces
verts, ni bibliothèques, ni cinéma, ni programmes de vacances, ni stade, ni
salles informatiques. Les vieux, n’en parlons pas. Mais la Ville de Dakar n’en
a cure. Cependant elle a
« dégotté » un immense terrain nu « prêté », dans la
commune au mètre carré le plus cher au Sénégal, pour abriter ses déguerpis.
En droit, cette décision de la Ville de Dakar pose problème.
N’est- ce pas la Constitution sénégalaise qui en son article
8 proclame et garantit le droit des citoyens à un environnement sain ?
Dommage que jusqu’à présent, le citoyen sénégalais ne trouve
pas dans l’ordonnancement judiciaire du pays, un mécanisme d’urgence à sa disposition,
un recours du genre référé administratif,
qui lui permette d’invoquer la violation d’un droit humain constitutionnel
devant un tribunal. Espérons que la commission dirigée par l’honorable Amadou
Moctar MBow se penchera sur la question.
L’actuelle Assemblée Générale des Nations Unies vient, quant à elle, de replacer la question du respect des droits humains au cœur de l’agenda des OMD .
L’actuelle Assemblée Générale des Nations Unies vient, quant à elle, de replacer la question du respect des droits humains au cœur de l’agenda des OMD .
»
Cette décision de créer
ex nihilo une installation
classée de centaines de marchands tabliers déguerpis de Sandaga dans la rue
Mass Diokhané, déjà amputée d’une bonne partie par les services du ministère de
l’intérieur depuis l’époque temps de Jean Colin constitue sans doute un acte de pollution, tel que défini par les lois
sénégalaises sur l’assainissement et sur l’environnement.
Aux termes de l’article L9 du Code de l’Environnement ,
sont considérées comme installations classées:
« les installations industrielles artisanales ou commerciales exploitées ou détenues par toute personne physique ou morales, publique ou privée, et toutes autres activités qui présentent soit des dangers pour la santé, la sécurité, la salubrité publique, soit des inconvénients pour la commodité du voisinage.»
« les installations industrielles artisanales ou commerciales exploitées ou détenues par toute personne physique ou morales, publique ou privée, et toutes autres activités qui présentent soit des dangers pour la santé, la sécurité, la salubrité publique, soit des inconvénients pour la commodité du voisinage.»
De même l’article L13 dispose : » Les installations classées dans la première
classe doivent faire l’objet avant leur construction ou leur installation ou
leur mise en service d’une autorisation d’exploitation délivrée par arrêté du
ministre chargé de l’environnement.»
« Cette autorisation est obligatoirement
subordonnée à leur éloignement sur un rayon de 500 mètres au
moins des habitations. »
Enfin l’article L 16 précise : « La demande d’autorisation d’une
installation de première classe doit faire l’objet d’une enquête publique prescrite par décision du représentant de l’Etat.»
A l’évidence, le souci de la primauté du droit et du respect
de la légalité n’a pas guidé le projet de recasement provisoire des marchands
tabliers dans notre cher Dakar-Plateau, car aucune des dispositions légales
précitées n’a été respectée.
D’ailleurs, pourquoi la Ville de Dakar micro manage-t-elle
notre secteur qui est quand même doté d’un maire de commune, il est vrai,
inconnu au bataillon?
Pourquoi une telle discrimination vis é vis de citoyens
prohibée par le code des collectivités locales qui vous confie notre
bien-être?
Faut-il aussi rappeler que le Sénégal est membre de
l’Organisation Mondiale du Commerce, et de l’Organisation Mondiale de la
Propriété Intellectuelle. Le Sénégal a aussi bénéficié d’assistances techniques
et financières de ces organisations internationales et de la Banque Mondiale. A
ce titre le Sénégal s’est engagé à respecter et protéger les droits de
propriété intellectuelle des ressortissants des pays membres. Or tout le monde
sait que les articles que proposent les tabliers sont tous des produits bas de
gamme contrefaits made in China.
A-t-elle pensé à la Diamond Bank qui vient de s’installer sur la rue Mass Diokhané ? Ou au ministère de l’intérieur, en cas d’émeutes ?
Que dire de la bombe sanitaire que constituent l'installation de deux toilettes mobiles que les 200 déguerpis vont se partager?
Si malgré tous ces red
flags juridiques, techniques, économiques, socio-culturels et environnementaux,
la Ville de Dakar persiste à vouloir empoisonner l’existence des habitants de
la commune de Dakar-Plateau avec ce projet d’ installation illégale et polluante,
discriminatoire et à forts relents politicien et affairiste, nous prendrons
acte, et déciderons de la suite à donner à notre combat citoyen, avec pour seul
leitmotiv le respect de la Primauté du Droit, et pour arme, l’amour de Dakar.
Et pour l’amour du Ciel, alors que nous commémorons la
honteuse tragédie du naufrage du Joola, armez-vous de courage et lucidité, et
préservez nous du Joola bisplus plus que potentiel
que constitue le marché Sandaga.
Bara Diokhané
Avocat
Président Honoraire de l'Association des Jeunes Avocats Sénégalais
Coordonaeu du Collectif Renaissance Dakar-Plateau
www.facebook.com/rendakpla
Coordonaeu du Collectif Renaissance Dakar-Plateau
www.facebook.com/rendakpla
http://69.60.118.48:8084/content/lettre-de-monsieur-le-maire-de-dakar-aux-dakaroises-et-aux-dakarois
http://www.enqueteplus.com/content/dakar-plateau-recasement-provisoire-des-ambulants-les-riverains-de-la-rue-mass-diokhan%C3%A9
http://www.enqueteplus.com/content/dakar-plateau-recasement-provisoire-des-ambulants-les-riverains-de-la-rue-mass-diokhan%C3%A9
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