INTERVIEW
1
Depuis quelques mois, une pétition a été déposée à la Mairie de Dakar, pour réclamer la suspension de l’installation spontanée d’un marché sur la rue Mass Diokhané. Où en êtes-vous, vous, les riverains?
Depuis quelques mois, une pétition a été déposée à la Mairie de Dakar, pour réclamer la suspension de l’installation spontanée d’un marché sur la rue Mass Diokhané. Où en êtes-vous, vous, les riverains?
La pétition a été déposée depuis le 8
juillet 2013. Nous n’avons pas reçu de réponse formelle, mais on voit parfois
des employés d’une compagnie UDE s’affairer sur le site. Il y a une semaine de
nombreux « attributaires » de places sans doute impatients, étaient
sur le site en conciliabule avec des employés de la mairie. Nous restons
vigilants.
2
La
municipalité voit dans le projet, une façon de recaser des déguerpis, en
attendant de leur trouver un site fixe. Qu’est qui vous gêne exactement dans
cette initiative qui n’est pas censée durer ?
La violation, sous mon nez, de la
Constitution, du Code de l’environnement, du Code de l’Assainissement et du Code des
Collectivités Locales par une administration locale. Je suis tout de même un
juriste qui avait initié, à partir des années 1987, avec l’Association des Jeunes avocats Sénégalais,
le « Tour Juridique du Sénégal », à mon avis, le plus important
programme de défense et promotion des droits humains dans l’histoire du
Sénégal et de la sous-région. A New
York, j’ai eu un Fellowship en Social Justice Leadership, et j’ai travaillé pendant deux ans pour le Center
for Law and Social Justice à la City University of New York.. Je déteste
l’injustice, et je la combats avec le Droit.
3 Il est de plus en plus
question de désengorger, sinon de déplacer le marché Sandaga qui causerait plus
de torts à la ville de Dakar. Souscrivez-vous à l’idée, et qu’en attendraient les résidents
de du Plateau. ?
Le marché Sandaga constitue un
Joola bis plus que potentiel. Quand j’étais enfant ma mère m’envoyait parfois faire ses courses
au marché Sandaga. J’en profitais pour
monter jusqu’à la terrasse et suivre les répétitions des ballets africains qui
faisaient le tour du monde. J’y ai développé mon sens du rythme. De nos jours aucun parent conscient
n’enverrait son enfant faire des courses à l’intérieur du marché Sandaga. Il y a plus de 20 ans, il était
déjà question d’évacuer le marché
Sandaga. Le cinéaste Djibril Diop Mambéty avait d’ailleurs soumis au président Abdou Diouf, l’idée
géniale de faire de ce bâtiment historique ce qu’il appelait « La Maison
de l’Afrique », au centre d’une zone piétonne. Je ne pense pas qu’il y ait eu idée plus pertinente depuis. Moi-même
j’avais , en 2002, soumis au président Wade l’idée d’ériger un monument au carrefour
de Sandaga. Mon ami, le sculpteur africain américain Lorenzo Pace, dont l’œuvre
monumentale « Triumph of the Human Spirit » fait face à la Cour
Suprême de New York à Manhattan, était partant pour réaliser la duplique
africaine de ce monument à Sandaga, et ce, gratuitement. Malheureusement, le président Wade avait
préféré son « Monument de la Renaissance. »
4 Dans le même ordre d’idée,
la mairie parle de rénover le cadre de vie et de redistribuer l’espace urbain.
Cela ne constituera pas une occasion
pour vous, de revendiquer espaces verts
et autres mobiliers urbains qui n’existent plus au centre-ville ?
La mairie parle de beaucoup de
concepts. Le problème c’est qu’on ne devrait même pas être amené à revendiquer
cela, parce que c’est ce qui fait une ville durable , capitale de surplus. Si
on en est arrivé là, c’est que la situation est devenue alarmante. Dakar est devenue une ville polluée :
pollution atmosphérique, sonore et lumineuse, sans oublier les ordures, les
mendiants, lépreux, enfants exploités, les ventes sur la voie publique, etc . Ce n’est pas une mairie qui méprise une pétition de plus
500 citoyens qui va nous demander notre avis sur l’organisation de notre cadre
de vie. Mais ce n’est pas une raison d’abdiquer.Souhaitons que la mairie change
de paradigme en réalisant que les citoyens qu’elle appelle bureaucratiquement,
et avec condescendance ses administrés
sont en réalité ses mandants à qui elle rendra compte tôt ou tard.
Juin 2002. Entre les mains du Président Wade, le projet du monument au carrefour de Sandaga proposé par Lorenzo Pace.
Cheikh Ba pour Rewmi Quotidien
No comments:
Post a Comment